Les militaires en marche

Les forces paramilitaires sont liées à certains des crimes les plus meurtriers de l'histoire récente. Le nettoyage ethnique en Bosnie et au Kosovo a été effectué en grande partie par les forces paramilitaires serbes, et non par l'armée régulière. Les milices hutues, connues sous le nom d'Interahamwe, étaient responsables du génocide de 1994 au Rwanda. En Indonésie, des paramilitaires du Timor occidental et des escadrons de jeunes organisés par le gouvernement ont mené les sales guerres »contre les séparatistes du Timor oriental.
Au cours des deux premières semaines de la guerre en Irak, les combattants paramilitaires irakiens, et non les gardes républicains ou d'autres unités militaires officielles, ont été responsables de la plupart des victimes de la coalition au combat.
Ces groupes, les milices du Saddam Fedayeen et du parti Baath, comme les forces paramilitaires partout dans le monde, opèrent en dehors des structures militaires régulières et servent à assurer la sécurité intérieure du régime qui a permis leur formation.
Alors que les responsables du Pentagone rejettent les paramilitaires comme une nuisance et une perversion des règles de la guerre, les forces paramilitaires augmentent dans le monde entier et continueront de poser des défis aux intérêts américains.

En 2002, entre un tiers et la moitié des effectifs militaires totaux en Chine, en Russie et en Inde - les plus grandes puissances militaires non occidentales au monde - appartenaient à des organisations paramilitaires. Un rapport sur l'usage interne de la force par l'East West Center, un organisme de recherche, a révélé que, de 1975 à 1996, le rapport des troupes gouvernementales à la population a augmenté de 29% en Thaïlande, 42% en Birmanie, 63% en Chine, 64% au Pakistan et 71% en Inde.
Bien que les paramilitaires soient plus petits que les armées régulières, leur croissance rapide et leur statut croissant les rendent plus importants que la somme de leurs effectifs. Les pays avec les plus grands paramilitaires - dont la Chine, l'Inde, la Russie, le Pakistan, l'Indonésie, la Corée du Nord et l'Algérie - ont doublé et triplé leur importance relative (en pourcentage de la force militaire totale) au cours des 30 dernières années.
Les paramilitaires, issus des conditions économiques et de sécurité dans le monde en développement, étaient dans bien des cas destinés à être des forces militaires parallèles en dehors du commandement militaire ou policier pour protéger les régimes des menaces internes comme les rébellions séparatistes. Ils comprennent des forces constabulaires, comme la Police armée populaire de Chine, un grand groupe en uniforme développé comme première ligne de défense contre les troubles civils comme celui de la place Tiananmen en 1989. Dans certains cas, les paramilitaires combattent le gouvernement, comme en Colombie, où les Forces d'autodéfense unies ont émergé en tant que milices locales pour protéger les agriculteurs contre la guérilla de gauche mais contrôlent désormais une grande partie du trafic de drogue.
Directeur - Université du Maryland, programme de science politique du comté de Baltimore dans les universités de Shady Grove
Contrairement aux forces armées régulières, qui sont construites en entraînant diverses recrues à travailler ensemble, les paramilitaires sont issus de groupes politiquement fiables, créant des unités ethniques ou tribales. Par exemple, le Saddam Fedayeen s'est principalement inspiré des sunnites du centre de l'Irak.
Le type d'organisation paramilitaire le plus dangereux est l'agence de renseignement de sécurité, dans laquelle le pouvoir est concentré entre quelques mains. Les escadrons de la mort, par exemple, sont généralement situés au sein des agences de renseignement de sécurité d'un pays. En Égypte, la General Intelligence Agency a mené une campagne brutale contre les islamistes dans ce pays, forçant finalement beaucoup d'entre eux à se rendre au Soudan et en Afghanistan.
Comme leur fonction principale est la sécurité intérieure, les paramilitaires sont adaptables. Les fedayin en Irak, par exemple, ont jeté des uniformes, cachés parmi la population civile, attaqué les troupes de la coalition à l'arrière ou pris en embuscade, les attirant parfois avec des drapeaux blancs de reddition. En tant que forces dispersées, les fedayin pourraient survivre longtemps après la rupture des lignes de commandement militaire irakien.
Bien que de nombreuses forces paramilitaires ressemblent à des guérilleros, elles sont plus puissantes que les guérilleros en raison de leur accès aux ressources de l'État. Cela lie également leur sort directement à celui du régime. L'indépendance du Timor oriental, par exemple, a rencontré le plus de résistance de la part des paramilitaires de l'ancienne province indonésienne.
Sous les dictatures, les paramilitaires sont souvent tellement identifiés aux actions oppressives du gouvernement que les chances de clémence sous un nouveau gouvernement sont probablement limitées. Cela peut souvent saper les plans d'un changement pacifique.
Au Brésil, par exemple, les tentatives de démocratisation en 1981 ont été sapées par les actions de l'agence de renseignement de sécurité, qui avait contrôlé de nombreux membres des escadrons de la mort dans les années 1970. En revanche, l'Afrique du Sud, sous la direction du Congrès national africain, a accepté de ne pas poursuivre les membres des sales guerriers du régime d'apartheid »pour assurer un transfert pacifique du pouvoir.
L'efficacité impitoyable, l'agilité tactique et la survie continue des paramilitaires contrastent avec les forces militaires faibles de nombreux pays en développement.
L'efficacité des paramilitaires vient également du monde changé dans lequel les guerres se déroulent. De nouvelles contraintes imposées à certains régimes fragiles - comme les exigences en matière de droits de l'homme - ont poussé le recours à la force dans la clandestinité.
En Irak, les fedayin et autres troupes paramilitaires seront finalement vaincus, mais non sans frais. S'ils infligent suffisamment de victimes et causent suffisamment de problèmes, les Américains chargés d'occuper l'Irak pourraient être attirés par l'établissement de trêves avec des éléments défectueux du régime. En Afghanistan, l'effort visant à réduire les combats grâce à des trêves locales avec les chefs de guerre est un obstacle à la stabilisation du pays.
De toute évidence, le désarmement des forces paramilitaires est autant une tâche politique qu'une tâche militaire.