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Paula dans les News
1 septembre 2016

Mondanités d'aujourd'hui

Du temps du second empire, il y avait dans une de nos plus jolies sous-préfectures de province, à très peu de distance d'une station balnéaire fréquentée par l'empereur, un maire fort respectable, et d'ailleurs intelligent, auquel la tête tourna subitement quand il pensa que le chef de l'État pourrait bien un jour descendre dans sa maison. Jusque-là il avait vécu, dans la vieille demeure paternelle, en fils respectueux des moindres souvenirs. Aussitôt que l'idée fixe de recevoir l'empereur des Français se fut emparée de sa cervelle, il devint un autre homme. Décidément, ce qui lui avait semblé suffisant et même confortable, toute cette simplicité aimée des parents et des aïeux, apparut à ses yeux comme mesquine, laide, méprisable. Impossible de faire monter un empereur par cet escalier de bois, de l'inviter à s'asseoir sur ces vieux fauteuils, de permettre qu'il pose le pied sur ces tapis surannés. Alors le maire appela l'architecte et les maçons, fit attaquer les murs à coups de pic, démolit des cloisons et créa un salon hors de proportion, par le luxe et l'étendue, avec le reste de la maison. Il se retira avec sa famille dans quelques pièces étriquées où gens et meubles, entassés malgré eux, se gênaient mutuellement. Puis, ayant par ce coup de tête vidé sa bourse et bouleversé son intérieur, il attendit l'hôte impérial. Hélas! il vit bien arriver la fin de l'empire, mais l'empereur non pas. La folie de ce pauvre homme n'est pas aussi rare que l'on pourrait penser. Sont, comme lui, fous du cerveau, tous ceux qui sacrifient leur vie d'intérieur à la mondanité. Le danger d'un pareil sacrifice est plus menaçant en des temps plus agités. Nos contemporains y sont constamment exposés et un grand nombre y succombent. Que de trésors de famille ont été gaspillés en pure perte, pour satisfaire des conventions ou des ambitions mondaines, et le bonheur auquel on prétendait préparer son entrée par ces sacrifices impies, s'est fait attendre toujours. C'est faire un marché de dupe que de livrer le foyer de la famille, de laisser les bonnes traditions tomber en désuétude, d'abandonner les simples coutumes domestiques. La place de la vie d'intérieur est telle dans la société, qu'il suffit de l'affaiblir pour que le trouble se fasse sentir dans l'organisme social tout entier. Pour jouir d'un développement normal, cet organisme a besoin qu'on lui fournisse des individus bien trempés, ayant leur valeur propre, leur marque personnelle. Autrement la société devient un troupeau et quelquefois un troupeau sans berger. Mais où l'individu puisera-t-il son originalité, ce quelque chose d'unique, qui, réuni aux qualités distinctives des autres, constitue la richesse et la solidité d'un milieu? Il ne peut les puiser que dans la famille. Détruisez cette constellation de pratiques et de souvenirs, qui font de chaque intérieur comme un climat en miniature, vous tarissez les sources du caractère, vous coupez les racines mêmes de l'esprit public.

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Paula dans les News
  • Bienvenue sur mon espace de liberté, d'écriture et d'expression. Je suis Paula Ferda, une jeune brésilienne en découverte de la France. Mon pays me manque, mais j'aime beaucoup la France, malgré ses défauts. Ici sont tous mes coups, de coeur et de gueule.
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